En dignes héritiers de la pensée de Descartes, le savoir, la connaissance et les sciences auraient fait de nous les maîtres et les possesseurs de la Nature. Dessaisie de son aura mystique, celle-ci ne ferait plus le poids face à l’Homme et nous-même, détachés d’elle, supérieurs à elle, nous en serions des dominateurs, des organisateurs, des anticipateurs.
Demiak : représenter la beauté cachée du chaos
Pourtant… et si le rapport humain/vivant était beaucoup plus flou, plus chaotique, plus poétique que prévu ? Et si, plutôt que d’être dans le monde, c’était le Vivant qui nous habitait et nous incorporait dans sa lente transformation ? Et si les frontières étaient en réalité poreuses – entre stabilité et instabilité, visible et invisible, passé et futur – révélant alors une continuité entre le désordre de nos vies contemporaines, les traces de nos activités humaines et les cataclysmes que nous générons dans le paysage, sur le Vivant ?
Ces questionnements fascinent Demiak. Né en 1967, initié à la peinture par sa mère et son grand-père et diplômé de l’Académie Royale des Beaux-Arts de La Haye en 1992, Maarten Demmink ou Demiak sous son nom d’artiste, revisite la peinture de paysage au prisme de ses préoccupations environnementales.
En explorant la relation entre les excès de la nature et ceux de l’industrie, il façonne des paysages utopiques ou dantesques dépeuplés. S’inspirant de Piero della Francesca, Jérôme Bosch et Leonard de Vinci, il tente de transcender des paysages sinistrés, abandonnés, par une vision poétique de sobriété à l’esthétique de « l’après ». Dernières traces diffuses laissées quelque part entre le temps et l’espace par les humains, des habitations en ruines interrogent le sentiment de sécurité.
« Les maisons parlent de quelque chose que tout le monde doit gérer. Elles deviennent une espèce de symbole, de métaphore, pour le sentiment de sécurité. Les gens ont besoin de ce qu’ils ont toujours cherché à travers une maison. »
Propos recueillis dans le film de Kunstbalie Tilburg, 2013, traduits de l’anglais.
paintings 2014-2016 ©Demiak
Sculpture ©Demiak
Si le contreplaqué est la matière-support de la plupart de ses compositions, l’artiste utilise sous toutes ses formes le matériel qu’il peut trouver et donne ainsi vie à bois, copeaux, terre et ferraille. En mélangeant les techniques et les textures, il façonne, modèle, élève en peintures et en sculptures murales des collages et des photographies aux mises en scène surprenantes.
« J’utilise tout ce que je peux trouver. Je pense que le bois est un très beau matériau, qu’il y a beaucoup de vie en lui. Il est aussi généralement très simple à travailler. »
Propos recueillis dans le film de Kunstbalie Tilburg, 2013, traduits de l’anglais.
2002-2008 « Dreamland » : ensemble de peintures et de photographies qui représentent des paysages en apesanteur dans un ciel bleu qui défient les lois de la nature ©Demiak
2010-2011 « The Deepwater horizon » : série documentaire fictionnelle de photographies mettant en scène la marée noire dans le Golf du Mexique ©Demiak
2010-2013 « The Big Blow » : peintures et aquarelles qui décrivent les ravages causés par des désastres naturels à travers les siècles (tremblement de terre de Lisbonne en 1755, grande crue du Mississippi en 1927, ouragan Katrina en 2005) ©Demiak
« Les ouragans et les tremblements de terre non seulement prouvent la force de la nature mais enseignent la résilience et l’urgence de la nécessité de la survie. Nous devons changer notre mode de vie à cause du réchauffement de la planète et la diminution des ressources naturelles. Quand on considère la nature comme une puissance abstraite ou comme une simple occasion de promenade du dimanche il est difficile de comprendre la nécessité d’un changement de point de vue. »
Propos recueillis par Le Littéraire en 2015
En utilisant de petits formats, Demiak représente les villes dévastées de façon plus intime, presque sacrée comme des reliques historiques, témoins des catastrophes et dont il faut préserver l’étrange beauté.
En savoir plus sur l’artiste et ses oeuvres
http://www.demiak.nl/