FUTURs, les cartes en main pour imaginer demain

Dans un monde menacé par l’urgence climatique, passer par le jeu peut permettre de mieux comprendre la réalité à travers l’émotion. C’est le postulat à l’origine de la création du jeu FUTURs, dans lequel les joueurs et joueuses, en incarnant des bandits ou des citoyens, sont amenés à se projeter dans des futurs imaginaires par le prisme de la discussion. 

Plongeons ensemble au cœur de cette idée rafraîchissante avec Niels de Fraguier, créateur du jeu !

 

La fabrique des récits : Depuis tes études à l’université, tu sembles vouloir inscrire tes activités dans une démarche durable, est-ce que tu peux retracer d’où vient cette prise de conscience ? 

Niels de Fraguier : J’ai un parcours qui est à l’intersection du développement durable et de l’émancipation des individus. J’ai beaucoup travaillé avec des jeunes, avec des réfugiés, avec des femmes vulnérables et en difficulté sur différents continents en suivant cette démarche d’impact, en croyant qu’un autre monde était possible, qu’un autre monde était souhaitable. 

Niels de Fraguier

 

Tu as ouvert la plateforme L’écologie pour tous pour donner les outils pour accompagner la transition, notamment dans le milieu de l’entreprise, et tu crées le jeu de société FUTURs… Pourquoi un jeu de société ? 

Les deux sont liés. J’ai développé la plateforme de L’écologie pour tous suite au manque de débats sur les sujets d’écologie lors des dernières élections présidentielles. C’est un sujet qui était absent, et, aujourd’hui, si on veut vraiment donner aux citoyens le pouvoir d’agir, de changer les choses, d’apprendre et de comprendre, il faut qu’on leur mette ces ressources à disposition. 

Je me suis rendu compte que la plateforme avait un succès plutôt positif, beaucoup de gens s’y rendaient, mais les gens qui s’y rendaient étaient déjà convaincus. J’ai fait quelques recherches, et je me suis dit que le jeu de société était un outil efficace pour prendre en main ces enjeux tout en s’adressant à un public très large. 


Pourquoi un jeu de société ? D’abord parce qu’il rassemble des gens, physiquement : tu n’es pas sur un écran, il y a une forme de reconnexion à l’autre, de sentiment de communauté. Deuxièmement, il te fait te poser des questions et entraîne des interactions multiples : chaque partie va être différente de la précédente. Troisièmement, l’apprentissage par le jeu est beaucoup plus efficace que l’apprentissage par la lecture ou par un cours classique d’université. 

L’idée était d’avoir une vision systémique, de montrer que ces enjeux sont en lien, et d’aller au-delà du jeu de société, de faire de FUTURs un outil multifonctionnel autour de trois piliers, qui te permet à la fois de jouer, à travers les différents modes de jeu, d’apprendre à partir de l’inventaire des cartes, et d’approfondir avec des ateliers. Les ateliers sont en creative commons : tout le monde peut les utiliser.

 

« Le fait de jouer est une façon de conscientiser les enjeux, qu’on n’aurait pas l’occasion de conscientiser autrement. »

 

Comme tu l’as dit, chaque partie est différente, et on peut construire une multitude de scénarios à travers l’expérience du joueur : comment as-tu imaginé l’expérience joueur, et quelle part as-tu laissé à l’imaginaire ?

Partons du mode de jeu principal, qui s’appelle “l’équilibre planétaire”, et qui revient sur 4 piliers fondamentaux, le climat, la biodiversité, la justice sociale et le bien-être. L’idée, c’est de faire comprendre que, un peu comme les limites planétaires, s’il y en a une qui chute, elle entraîne le reste avec elle : on ne peut pas faire sans l’un de ces quatre éléments qui sont vitaux. 

L’idée est de redonner les armes aux citoyens et de mettre en confrontation à la fois des problématiques et des points de vigilance avec des solutions et des actions. Tu peux mettre une carte énergie fossile ou Finance noire contre le vivant, je vais répondre avec une carte discuter ou s’engager citoyennement, et tu vas me dire que ça n’a pas de lien. Je vais t’expliquer pourquoi, on va discuter pour se mettre d’accord. Le but est de créer des discussions et des débats qui sont simples : on a toutes les solutions et on fait partie de la solution nous-mêmes. 

C’est un projet inspirant dans son contenu, mais également dans sa conception (attention au cycle de vie des matériaux utilisés, personnes en insertion professionnelle qui participent à sa conception), c’était pour toi une condition nécessaire pour mener ce projet ?

L’idée était de faire un projet engagé. L’illustratrice, Mélanie, et moi avons travaillé bénévolement, on s’est engagé tous les deux, deux citoyens qui ne se connaissaient pas, dans un projet citoyen. C’était la première chose que je voulais mettre en avant, de faire un projet citoyen engagé avec des personnes qui avaient envie de faire changer les choses. 

Après, bien sûr, au niveau de la production, on aurait pu produire le jeu en Chine ou en Pologne, à des coûts bien inférieurs. Je voulais travailler avec une entreprise qui soit basée en France qui soit basée en France, qui ait une éthique – pas seulement du marketing – sur sa production, qui utilise des matériaux recyclés ou écosourcés, et qui permette aussi la réinsertion professionnelle de personnes handicapées. 

 

« L’objectif pour la suite est de travailler avec des personnalités du monde de la culture, du monde politique, de différentes manières, pour donner les cartes en main pour qu’on puisse les rebattre ensemble. » 

 

Tu sais que La fabrique des récits est un mouvement qui s’adresse à un collectif de plus de 2000 artistes et professionnels de la culture. Est-ce qu’il y a un futur dans lequel un mode de jeu (existant, ou pas) peut servir de terreau pour la création artistique ?

Bien sûr ! Je pense que le jeu, dans sa globalité, est un terreau artistique, dans le sens où il est multifonctionnel. Je le disais, il comporte trois piliers, mais demain il y en aura peut-être un quatrième ou un cinquième. On invite vraiment les gens à prendre la boîte, en famille, entre amis, dans leur entreprise, dans leur collectif artistique, pour s’emparer de ces cartes et jouer avec. Quand je dis “jouer”, j’entends jouer de manière ludique, mais aussi en mobilisant l’imaginaire. L’atelier aussi se base beaucoup sur les imaginaires, en se projetant dans quel monde on veut vivre, pour sortir de la dynamique de fresques – qui sont très utiles – pour trouver quelque chose qui est plus basé sur la connexion et l’émotion. 

Je pense que c’est quelque chose qui nous transforme et qui parle beaucoup aux artistes : c’est le pouvoir de l’art et de la culture en général d’arriver à transgresser les normes et la formalisation du monde dans lequel on vit, pour aller au-delà. Par exemple, dans les ateliers, tu as la carte Forêt, à partir de laquelle tu vas pouvoir raconter des souvenirs, évoquer une relation particulière avec la forêt, en développant un récit que tu peux créer sur le futur, mais que tu peux aussi construire sur ton passé et ton vécu. 

Tous les futurs sont possibles et à portée de main. La vraie question est : lequel on désire réellement, et quel rôle on veut prendre pour le mettre en œuvre et en application ? 

Découvrez les différents modes de jeu, les cartes et les ateliers sur le site internet du jeu FUTURs



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