Koclico, s’aligner avec les trésors du cœur

Comédienne, chanteuse, militante… Autant de qualificatifs qui pourraient s’appliquer à Hélène Martinelli, aka Koclico, en tentant vainement d’en brosser le portrait d’artiste. Des étiquettes qui pourtant ne suffisent pas à embrasser l’essence de son identité artistique. 

La fabrique des récits vous emmène à la rencontre de cette artiste humaine et humaniste avant tout !

 

 

“Je chante, je joue, et j’essaye de lier ma passion, mon art, ma créativité, à tout ce qui me semble bon et juste”

 

 

©GabrielaLarrea

Koclico, c’est un projet pluridisciplinaire qui englobe plusieurs expressions artistiques, dont la musique, avec ton premier EP, Humeurs Boréales. Qu’est-ce qui a motivé et guidé l’élaboration de cet EP ?

J’y parle de la révolution humaine, ce sur quoi on peut agir, en nous. Ce qui me parle et ce qui me permet d’écrire des chansons, c’est cet élan intérieur, cet espoir que j’ai de me dire que ma vie m’appartient, que je suis la maîtresse à bord, et que je peux en dessiner la direction quand je veux à tout moment.

Quelle est l’importance de la musique pour faire passer ce message ?

Elle est centrale. Personnellement, elle me permet de réveiller le monde du sensible en moi, cette intelligence émotionnelle. 

Elle éveille parfois, accompagne, et soutient la vie des individus, nos états d’esprit, nos sensibilités. Elle permet aussi culturellement de remettre au centre un art qui nous donne envie de nous mobiliser face aux oppressions systémiques.

Pour moi, on ne peut pas avancer dans nos sociétés si l’art, l’éducation, la religion ne se soucient pas de ce qui est en train de se passer au niveau sociétal. Si l’art ne prend pas la parole sur les injustices, on perd un vecteur qui peut profondément toucher le cœur des gens et avoir un impact dans la réalité. 

Je cherche comment réussir à créer des valeurs communes avec tout ce qui se passe. Sinon, on nourrit la division, on nourrit la peur. C’est la solution de facilité !

Humeurs Boréales

Cette envie de créer des valeurs communes donne également le projet Notre Ohrage, avec le tournage d’un clip qui vise à dénoncer les défaillances judiciaires face aux violences sexistes et sexuelles (le clip à été tourné le 17 juin et sort à la rentrée en septembre). Peux-tu nous parler de la genèse de ce projet ?

J’avais reçu pas mal de retours positifs sur la chanson Notre Ohrage, j’ai eu envie d’offrir ce morceau pour tenter de soutenir. J’ai été victime, victime aussi du système judiciaire, j’ai perdu mon procès, qui a duré 5 ans, il y a 10 ans. 

Réaliser ce projet avec ce chœur de femmes et de minorités de genre dans une chapelle désacralisée, une équipe de 40 personnes… C’est quelque chose de très beau de se dire qu’on va unir nos voix pour vivre un de ces moments fugaces et précieux, unir nos rages au service de l’amour et raconter une nouvelle histoire.

Comment est-ce que ces sujets nourrissent ta créativité ?

Je crois que ces combats sont l’essence-même de ma créativité. Quand j’ai quelque chose à dire, j’arrive mieux à le dire en chanson. C’est vraiment le point de départ. Après, je fais des recherches, mais j’essaye surtout de partir de ce que je ressens, de ma vérité, de ce qui résonne en moi. 

 

Ce qui est dingue, et ce qui dit beaucoup, c’est qu’au départ, je ne me suis pas sentie légitime d’aller chanter. C’est dingue, ce manque de légitimité qu’on ressent souvent, nous les femmes ! Ça me révolte intérieurement !

Du coup, j’ai écrit une chanson, qui parle du fait de tout inclure en nous et de nous accepter telles que l’on est, de prendre les fausses notes intérieures, les défaillances, tout ce qui déraille en nous, notre ignorance, nos défauts… 

Et de tout mettre au service de cette énergie créative. On n’est pas des êtres parfaits, ce n’est pas ça qui va toucher le cœur des gens ! Je suis plus touchée par la fragilité, la vulnérabilité, l’humaine qu’il y a derrière les chansons. C’est ça, pour moi, le vecteur de la justesse. 

 

J’ai aussi envie de redonner de l’amour à l’humaine dans mon cœur. Parce que je ne peux pas défendre l’humanité, écrire des chansons et croire en nous, si en même temps je nous condamne à ne jamais pouvoir changer.

 

À travers ces projets artistiques, quel est l’imaginaire dans lequel tu te projettes aujourd’hui ?

Un imaginaire qui n’existe pas (rires) ! Ça m’enthousiasme vraiment ! Je veux te prouver que l’impossible est possible. 

Cet imaginaire, c’est un imaginaire dans lequel être engagée, c’est normal. Un imaginaire dans lequel c’est désirable, c’est joyeux et c’est bon de vouer sa vie au bonheur des autres. 

Cet imaginaire est un imaginaire collectif. Un imaginaire dans lequel la réussite se situe plus dans l’accumulation des trésors qui se situent au niveau du cœur que du corps et du statut social.

Mais dans lequel on peut aussi, en étant alignée avec les trésors du cœur, réussir, et de façon plus significative encore. 

 

©GabrielaLarrea

Dans quelle mesure cet imaginaire, constitué de l’ensemble des luttes que tu portes, permet de se projeter dans une société dans laquelle ces problématiques sont prises en compte ?

Ces luttes, je ne les ai pas choisies, elles se sont imposées à moi. Par contre, j’ai choisi d’agir. J’ai fait le choix, pendant plusieurs années, de rester dans le système tel qu’il est, capitaliste, de courir après les castings, pour réussir. Ça m’a épuisé, je n’avais plus de jus, de joie, de sens. Au moment où j’ai commencé à mettre mon énergie dans des projets pour prendre soin des autres, de mon environnement, j’ai recommencé à ressentir  de la joie. C’est très concret !

C’est pour ça que la spiritualité tient une place essentielle dans ma vie. Bien sûr, on peut changer notre environnement, mais ça part aussi de notre propre révolution intérieure. Sinon, on peut vite se retrouver dans un mouvement qui prône le respect du vivant, mais dans lequel on ne se respecte pas au travail, et risquer de finir en burn-out par exemple. Alors pour moi, là, on n’est pas cohérente.

 

C’est aussi cultiver cet imaginaire du sensible, de tout ce qui ne se voit pas. Parce que ce qui se voit, c’est ce qui crée de la richesse visible, extérieure. C’est très capitaliste et patriarcal comme vision je trouve…

Alors que ce monde invisible, c’est le moteur de nos pensées, de nos paroles, et donc de nos actions. Si je ne cultive pas mon intériorité , j’ai l’impression d’être un robot, en guidage automatique, de ne pas être connectée à moi-même et au vivant. C’est normal que, si on ne sent plus rien, on ne respecte pas ce qui nous entoure. 

 

Quand je suis sur scène, mon message, c’est vraiment ça. Avant de commencer à chanter la chanson Humeurs Boréales, je propose aux gens d’inviter leurs humeurs boréales à nous rejoindre et danser en leur hommage. Puis, je pars sur Félins Fêlés, où on se dit que, dans cette jungle d’êtres sensibles que nous sommes, on rencontre toutes sortes de félins un peu fêlés, et que c’est ok.

« Comment on apprend à aimer ? On ne sait pas, mais on aime quand même ! »

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