Retour sur la soirée du 15 octobre autour de la consommation responsable

 

Pour vous qui étiez avec nous le 15 octobre dernier ou pour vous qui n’avez pu vous joindre à nous, voici le résumé promis des échanges de cette soirée autour du thème EN FAUT IL PEU POUR ETRE HEUREUX Quand consommer et produire (trop) deviennent des gros mots

Happening artistique

Yann Toma, ambassadeur de l’énergie artistique de La fabrique des récits, nous a déclamé avec passion l’Objectif de Développement Durable n°12 sur l’importance de la production et de la consommation durables.

Table ronde

Nous avons ensuite eu le plaisir de recevoir quatre intervenants autour d’une table ronde passionnante :

  • Valérie Martin, cheffe du service Service Mobilisation Citoyenne et Médias de l’ADEME (Agence de la Transition Écologique).
  • Sébastien Bohler, docteur en neurosciences, rédacteur en chef du magazine Cerveau & Psycho, auteur des ouvrages Le bug humain et Où est le sens
  • Sandrine Roudaut, perspectiviste, essayiste, auteure du roman d’anticipation Les déliés.
  • Cécile Gauffriau, directrice de L’échangeur BNP Paribas Personal Finance.

 

Si l’ensemble de la population planétaire consommait à la hauteur de ce que consomment les Français, nous aurions besoin de 2,7 planètes pour vivre… Ce futur n’est pas donc envisageable… Aujourd’hui les ressources s’épuisent et elles ont de plus en plus de mal à se régénérer face à nos modèles de société qui favorisent la surconsommation. 

Quels seraient donc les futurs envisageables, souhaitables et les nouveaux modèles alternatifs à “l’effondrement” ? Sommes-nous capables de bâtir ces nouveaux modèles et de consommer de façon responsable ? Ou sommes nous programmés pour surconsommer par nature ?

 

Etat des lieux

Valérie Martin nous a partagé quelques chiffres clés permettant de faire un état des lieux de la consommation aujourd’hui dans le monde. 

C’est le monde de la culture que j’appelle à venir s’engager pour permettre un réveil et un passage à l’action de la société dans son ensemble.

Valérie Martin.

71% des Français estiment qu’il faudra réorienter en profondeur l’économie vers les activités qui préservent l’environnement, la cohésion social et la santé. 

88% des Français déclarent que les entreprises les incitent à la surconsommation par le prisme de la publicité.

78% des Français aimeraient disposer d’informations sur l’impact environnemental et social des produits qu’ils consomment.

 

Aujourd’hui, nous consommons 3 fois plus qu’il y a 60 ans, mais nous gardons nos objets de moins en moins longtemps. 

Evolution de la consommation de matières premières (1900- 2060) en France : 

1900 : 7 milliards de tonnes de matière premières pour fabriquer les objets dont nous avons besoin

2015 : 80 milliards de tonnes (11 fois plus). 

2060 : en continuant sur notre lancée actuelle il nous faudra 190 milliards de tonnes de matière première 

Pendant son intervention, Valérie Martin a également fait référence au jour du dépassement, date à partir de laquelle l’humanité aura consommé toutes les ressources que notre planète peut produire en une année. Cette date, tombée le 22 août en 2020, permet de confirmer la surexploitation des ressources qui nous emmène vers un futur insoutenable.

Pour en savoir plus : 

Le Baromètre “Les français et l’environnement” de l’ADEME

Le Baromètre de la consommation responsable Greenflex/ADEME 

L’enquête Credoc/ADEME : sortie de crise, les Français en attente d’une relance écologique et sociale. 

L’observatoire des perspectives utopiques de l’Obsoco et de l’ADEME

 

 

Quels impacts sur les comportements des Français aujourd’hui ?

  • Nombreux sont ceux qui déclarent avoir adopter des pratiques éco-responsables (acheter des fruits et légumes de saison, limiter la consommation de viande dans le foyer…).

  • Il y a une défiance généralisée vis-à-vis de certains acteurs, notamment face aux entreprises perçues comme des incitateurs à la surconsommation.

  • Les Français sont de plus en plus informés et sensibilisés et cherchent d’avoir accès aux informations des produits qu’ils consomment (veille sur l’impact environnemental et social des produits qu’ils consomment)

A quoi ressemblera le monde de demain ?

Cécile Gauffriau nous a présenté les 4 scénarios de travail de l’Echangeur, pivotant autour de 2 axes : l’individu et le commerce. 

  • Stars system (modèle traditionnel ou précédent).  Le progrès équivaut à avoir une consommation personnalisée. L’entreprise et les marques sont au coeur de ce scénario. 

 

  • Made locally (le modèle Brexit, le localisme). L’individu est au coeur de ce scénario. Étant dépassé par le progrès, il décide en réaction de chercher un progrès qui protège ses proches à une échelle plus locale. C’est le scénario qui a pris le relai à court terme de la situation actuelle pendant la pandémie. 

 

  • Life control : Les gouvernements et les grands groupes (ex: Google/Amazon) en collectant de la data et en utilisant les nouvelles technologies ainsi que l’AI, nous offrent un modèle de progrès basé sur le confort. Ils nous accompagneront dans notre vie en se basant sur les datas qui leur sont transmises, et qui leur permettent de nous proposer une consommation sur mesure. 

 

  • Earth in Progress : Les consommateurs sont mobilisés et les entreprises coopèrent pour bâtir un nouveau modèle de consommation. Cette tendance est marquée par les nouveaux comportements responsables des consommateurs (décrits par Valérie Martin) et des entreprises (ex: adhésion au certificat Bcorp). La coopération entre acteurs de la société civile est au coeur de ce modèle. Ces derniers se réunissent pour déconstruire les contradictions existantes entre l’ancien et le nouveau modèle. 

Pour en savoir plus. 

 

Ce 4ème scénario expose les contradictions prédominantes qui existent entre le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui et celui dans lequel nous souhaiterions habiter demain. Sébastien Bohler nous explique qu’il est difficile de bâtir ce 4ème scénario car il nous place en contradiction avec une nature humaine qui nous pousse à consommer davantage.  

 

En effet, en accomplissant nos besoins, notre striatum (partie du cerveau situé sous le cortex) nous récompense avec de la dopamine. Les principaux besoins/motivations identifiés sont alors  : 

  • Le sexe et manger (besoins basiques pour survivre) 
  • L’amélioration du statut social (se démarquer des autres)
  • L’acquisition d’informations (se repérer dans l’espace et l’environnement)
  • L’optimisation énergétique (minimiser ses efforts) 

 

Pour l’Homme primitif, réaliser ces besoins permet la survie de l’espèce. Aujourd’hui, il est clair que nous avons la possibilité de répondre à des besoins sans effort, sans nous rendre compte des limites induites. 

Ce qui pose un problème majeur dans notre recherche d’un monde durable : le striatum n’a jamais été programmé pour se limiter. 

 

Grâce à notre cortex, nous produisons des outils qui facilitent l’accomplissement de nos besoins stimulant et ainsi la libération de plus de dopamine. La surconsommation est donc une conséquence d’un système récompense perfectionné tout au long du développement de l’humain. 

Ce système de récompense tourné vers des instincts vitaux est en train de creuser notre tombe parce que nous avons une capacité de nourrir ces instincts sans limite et nous ne voyons pas qu’ils sont limités.

Sébastien Bohler

Pouvons-nous être reprogrammé(e)s ? Cette question reste ouverte. Peut-être que la réponse se trouve dans l’utopie qui se projette dans l’avenir pour bâtir un monde souhaitable mais aussi envisageable. 

C’est ainsi que Sandrine Roudaut nous projette dans  un monde plus optimiste et utopique pendant son intervention. Un futur construit grâce aux actions des minorités et des personnes hyper lucides qui font le choix de mieux consommer aujourd’hui pour bâtir le monde qu’ils souhaiteraient habiter demain. 

Pour Sandrine, les utopistes imaginent une vie et font tout ce qui leur est possible pour la faire advenir. Pour cela il n’est pas question d’écrire une fable, il faut des actions et des engagements concrets: 

  • S’informer : parler d’un monde désirable en identifiant les brèches qu’il faut dépasser et en étudiant comment le monde change.  
  • S’impliquer : être impliqué en prenant des décisions qui nous poussent vers des actions durables et souhaitables (exemple : consommer responsablement) 
  • Créer : faire advenir l’utopie souhaitée et être potentiellement en conformité avec ce nouveau mode de vie qui vient détruire l’ancien modèle (idée de conflit et de création-destructive).

On pense toujours que l’utopie c’est ce qui est irréalisable. Or c’est ce qui est irréalisé.[…] On est vraiment sur cette idée de ‘comment je me place dans le futur, débarrassé.e de tout ce qui me colle, pour imaginer ce qui devrait être’. Ce monde n’est pas minimaliste, ce n’est pas un monde de renoncement, il est créatif et radical, il se base sur l’essentiel.

Sandrine Roudaut

Conclusion

Ces échanges mettent en avant la complexité de notre nature humaine qui doit se débattre contre ses contradictions profondes, liées à des réflexes primitifs. Les différents scénarios de prospective, et les enquêtes sur le terrain nous montrent cependant qu’une volonté de changement a pris peu à peu racine dans nos sociétés, et nous permet à la fois d’être mieux informés et d’alimenter de nouveaux récits. 

Tous nos intervenants se retrouvent sur un point : si nous continuons sur le modèle de consommation actuelle, nous allons “dans le mur”. Il est clair que pour bâtir un monde durable basé sur une consommation responsable, nous devons dépasser de nombreuses barrières et contradictions qui mettent en tension le modèle précédent avec le nouveau modèle souhaitable et qui nous obligent à remettre en question les fondements mêmes de nos valeurs et de nos besoins. 

 

Témoignage d’un artiste engagé

Le photographe Antoine Repessé est venu nous présenter la démarche de son projet #365Unpacked : une plongée au coeur de nos poubelles, 70m³ de déchets accumulés pour une série de photos choc, mêlant esthétisme et message percutant.

Ateliers

  • L’éco-production en tournage c’est possible avec Mathieu Delahousse de Secoya 

Secoya est la seule société européenne à proposer conseil et accompagnement sur le terrain pour organiser des tournages avec le moins d’impact négatif possible. Leur objectif : impliquer chaque partie prenante dès la note d’intention, et apporter des petits changements pour provoquer des effets à grande échelle. Leur prochaine étape : développer cette démarche dès l’écriture du récit pour fabriquer des histoires éco-responsables dans leur globalité. 

  • Comment convaincre par la fiction ? avec Sandrine Roudaut, essayiste, auteure du roman Les Déliés

Notre monde actuel ressemble aux fictions anciennes : soit les auteurs savaient prédire le futur, soit, inspirés par leurs oeuvres, nous avons inventé ce qu’ils ont imaginé. Sandrine Roudaut s’est donnée pour mission de bâtir un nouveau monde utopique qu’elle imagine et partage avec les autres grâce à la fiction. Au delà de son activisme, elle a choisi de faire basculer le système actuel en s’infiltrant dans notre imaginaire via la création de nouveaux récits. Probablement un moyen efficace pour changer nos mentalités en profondeur. 

  • Produire et consommer oui mais en réparant la terre avec Walter Bouvais d’Open Lande.

Afin de créer un changement durable et efficace, il faut mettre les talents de chacun au service de la Nature. Walter Bouvais encourage la transition écologique, non pas seulement comme un passe-temps, mais comme faisant partie à part entière de nos milieux de travail. En effet, en mettant « nos métiers au service de la Terre », la transition écologique serait plus bénéfique pour tous.  

  • Mieux raconter le réel pour changer le modèle avec Lénora Frazao d’On Est Prêt. 

L’ambition de la proposition faite par la Convention citoyenne pour le climat, visant à limiter la publicité dans l’espace public ? Repenser notre rapport à la consommation, en remplaçant par exemple certains panneaux publicitaires par des oeuvres artistiques. Un travail est également à faire du côté des marques, pour afficher plus de transparence sur les processus de fabrication, ce qui peut être facilité par les artistes (exemple : une photographe prenant les ouvriers en photo afin de raconter leur histoire).

A la moitié de ce siècle charnière pour conserver notre monde vivant, nous nous sommes raconté les tendances de ce moment particulier : la raréfaction des sucettes de pub dans les rues, la reconversion des centres commerciaux en aires de jeux et celles des églises en tiers-lieux, l’apparition des supermarchés dédiés au réparé et au recyclé, la disparition presque totale des bouteilles plastiques, l’explosion du vrac et de ses contenants multiformes et multicolores ou la dissémination de ces nouveaux lieux-couteaux-suisses dans les campagnes qui rassemblent pour faire ensemble, une société foisonnante, riante et vivante. L’Institut des Futurs souhaitables donne les clés de lecture du présent et des armes créatives pour participer à la construction de ce nouveau monde qui s’annonce.

 

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