Disney : Vers la fin des forêts verdoyantes et des oiseaux qui chantent ?

Quelle place occupe la nature dans les films d’animation d’aujourd’hui ? Est-elle la même que celle d’hier ? Si les problématiques abordées dans cette catégorie de films ont bien évolué depuis leur création, qu’en est-il du décor qui les entoure ? 

Dans une étude publiée en 2014, Anne-Caroline Prévot (directrice de recherches au CNRS, et chercheuse au CESCO-Muséum national d’histoire naturelle) s’est penchée sur ces questions en étudiant une cinquantaine de dessins-animés Disney et Pixar sortis entre 1937 (Blanche-neige) et 2010 (Raiponce). 

©Disney

Le constat de départ est assez simple : les enfants des dernières générations ont davantage grandi en ville, avec les réseaux sociaux et médias, qu’entourés d’arbres à la campagne. Cet apprentissage ex natura constitue en soi un élément responsable de la déconnexion de ces enfants à la nature. La représentation qu’ils s’en font dépend donc essentiellement des images présentées dans les films, les livres, et des histoires qu’on leur raconte. etc… 

 

Quelle approche de la nature les films d’animation Disney nous offrent-t-il désormais ? Dans ces histoires destinées aux enfants, quels arbres, fleurs, animaux et insectes assurent la représentation de la nature dans sa globalité ? 

Les représentations du monde véhiculées par tout type de média ont une importance considérable surtout pour les plus jeunes, et les images mises en avant ont bien changé avec le temps. Quelles sont les images (et imaginaires) que les films d’animations, tels que ceux de Disney, véhiculent aujourd’hui et qu’est ce que cela sous-entend de notre approche de l’environnement ? 

Les résultats de cette étude sont venus confirmer les hypothèses de départ d’Anne-Caroline Prévot, selon lesquelles la nature est moins représentée au fil du temps et lorsqu’elle l’est, c’est davantage sous la forme d’une nature cultivée et domestiquée qu’une nature sauvage (ou dynamique comme elle l’appelle souvent). 

De plus, l’illustration de cette nature s’est considérablement simplifiée.

Jusque dans les années 80, la plupart des dessins-animés Disney & Pixar pris en compte dans cette étude voyaient leurs actions se dérouler aux ¾ du temps en extérieur. Dans les années 2000-2010, la situation s’est inversée, et plus de 50% des intrigues ont désormais lieu à l’intérieur. 

Quant à la représentation de la biodiversité, le constat est le même. En 1940, en moyenne, une vingtaine d’espèces animales différentes cohabitaient au sein d’un même dessin-animé, contre moins d’une dizaine en 2010. 

©Prévot-Julliard AC, Julliard R, Clayton S (2014) Historical evidence for nature disconnection in a 70-year time series of Disney animated films Public Understanding of Science 

Il faut toutefois noter que cette étude exclut volontairement de son analyse toute la nature non-humaine anthropomorphique (les animaux et végétaux qui parlent ou qui ont un rôle à jouer dans l’intrigue), qui véhicule des messages encore très différents. L’étude révèle qu’en moyenne, dans les films d’animation de ces trente dernières années, lorsqu’une scène se déroule en extérieur, la nature y apparaît moins de la moitié du temps et bien souvent sous la forme de fleurs en pot ou d’animaux de compagnie. 

 

Cette crise de la représentativité alarme la chercheuse sur deux points : sur le plan individuel d’abord et sur l’impact qu’une telle déconnexion mentale et affective pourrait avoir sur les individus spectateurs et leur environnement. À l’échelle macro ensuite et sur les conséquences que cet écart pourrait avoir sur la capacité de nos sociétés à comprendre et apprécier la complexité de l’environnement et de la biodiversité qui l’entoure. Un public ayant une vision trop simpliste de la biodiversité et de l’écosystème n’est-il pas un public moins enclin à s’engager ? 

 

Les efforts que Disney semble faire pour valoriser la diversité devraient donc concerner également les décors qui accompagnent nos personnages d’enfance. Les films sortis ces dernières années auraient-ils commencé à inverser la tendance ? 

 

©Disney

 

Source : Prévot-Julliard AC, Julliard R, Clayton S (2014) Historical evidence for nature disconnection in a 70-year time series of Disney animated films Public Understanding of Science

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