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La mobilisation des jeunes créé-t-elle le changement ?

 

Philippines, Grèce, Chine, Ouganda, Inde, Kenya, Ukraine, Brésil, Suède, États-Unis… Depuis août 2018, 13 millions de jeunes dans près de 7 000 villes ont fait grève pour le climat. Leur mobilisation peut-elle vraiment faire la différence ?

Manifestation pour le climat à Vancouver le 25 octobre 2019. Flickr CC roaming-the-planet

En août 2018, le mouvement « Fridays For Future » (manifestations des jeunes chaque vendredi) naissait de l’obstination d’une jeune Suédoise de 15 ans, Greta Thunberg, décidée à s’exprimer par tous les moyens contre l’inaction de son pays face au réchauffement climatique. Sept mois plus tard, ce mouvement comptait plus de deux millions de jeunes grévistes dans plus de cent pays développés et en développement. Une mobilisation de jeunes citoyens globale et sans précédent qui achoppe toujours sur l’inaction politique.

Le climat, source d’un conflit générationnel

Que les jeunes s’emparent de la question climatique (et de ses corollaires sociaux et politiques) n’est pas surprenant au vu des risques qu’ils encourent. Ils ont bien moins contribué aux émissions de CO2 que leurs aînés, mais seront bien plus affectés par les impacts de ces émissions. Un récent rapport de The Lancet démontre les effets dévastateurs qu’a le changement climatique sur les enfants. Qu’elle le veuille ou non, la jeunesse se trouve déjà en première ligne du combat que refusent de mener les générations actuellement au pouvoir. Et elle en a conscience : d’après la chercheuse en psychologie Annamaria Lammel, « les intentions comportementales pour protéger l’environnement sont présentes dès le très jeune âge. » Les nouvelles générations sont particulièrement enclines à la « solastalgie » ou « éco-anxiété » : « You’ll die of old age, we’ll die of climate change/Vous mourrez de vieillesse, nous mourrons du changement climatique », lit-on sur les pancartes des jeunes manifestants.

Scandant les mêmes slogans de la Grèce à l’Ouganda, la jeunesse a gagné une première bataille : elle est désormais invitée aux discussions mondiales sur le climat et bénéficie d’une tribune médiatique pour relayer son message. En septembre 2019, l’Organisation des Nations unies accueillait ainsi le premier Youth for Climate Summit en présence de jeunes activistes du monde entier. En ouverture de la COP25, début décembre 2019, le Secrétaire général des Nations unies António Guterres a salué cette mobilisation des jeunes, qu’il a comparée à l’inaction des gouvernements.

Une jeunesse qui ne croit plus aux « contes de fées »

En revendiquant leur droit à un avenir sain sur une planète saine, les jeunes grévistes du climat ne s’attaquent pas seulement à l’apathie des décideurs. La mobilisation des jeunes allie les luttes environnementale, sociale et féministe. Elle porte un rejet global du système en place et de ce « conte de fées d’une croissance économique éternelle » que dénonce Greta Thunberg. Une remise en cause du mode de vie des aînés que ces derniers peuvent avoir du mal à entendre.

Aux contes de fées que continuent de se raconter certains adultes, la jeunesse militante préfère les faits énoncés depuis plus de trente ans par les scientifiques : « I can’t believe I’m marching for facts/Je n’en reviens pas de manifester pour des faits », lit-on encore sur les pancartes. Dans la guerre de l’information sur le climat, les scientifiques peinent toujours à se faire entendre face à ces industriels qui ont l’oreille des dirigeants et les moyens d’influencer l’opinion publique.

Dans son Rapport spécial d’octobre 2018 sur les conséquences d’un réchauffement de 1,5 °C, le Giec souligne l’importance de l’éducation et de la sensibilisation sur le climat. La jeunesse, rompue aux réseaux sociaux et aux nouveaux outils de communication, devient un porte-voix important pour transmettre l’urgence.

Selon le chercheur en sciences de la communication Nathaniel Geiger, les manifestations pour le climat améliorent l’image des activistes auprès du grand public et contribuent à rendre les données plus accessibles. En exprimant la force d’un groupe uni et international, ces mobilisations luttent contre le sentiment d’impuissance prédominant chez les citoyens face à ces questions complexes.

Beaucoup de bruit pour rien ? En 2019, les émissions mondiales de CO2 ont encore augmenté, alors qu’elles devraient diminuer de 7,6 % par an pour tenter de contenir la hausse des températures en dessous de 1,5 °C d’ici 2030. En 2018, seuls 16 pays sur 197 ont mis en œuvre les mesures nécessaires au respect de l’Accord de Paris.

Il est difficile d’évaluer en temps réel l’impact de la mobilisation des jeunes sur l’immobilisme politique mondial. Mais la réussite d’actions menées localement par ces mêmes activistes est déjà à souligner. L’adolescent de 15 ans Aditya Mukarji a convaincu, entre mars et avril 2018, les hôtels et restaurants de New Delhi de remplacer plus de 500 000 pailles plastiques par des alternatives écologiques. Depuis février 2019, L’Ougandaise Leah Namugerwa milite pour faire entendre la voix de son pays, particulièrement vulnérable au changement climatique. Ces jeunes activistes représentent le mouvement dans leurs pays respectifs, et ils sont loin d’être les seuls.

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