Initiative

La radio interactive, agora des temps modernes dans le Sahel

Sensibilisation, mobilisation citoyenne, promotion d’un débat démocratique… Pour Charlemagne Abissi, la radio joue un rôle déterminant dans le maintien de la paix et le développement endogène au Sahel, notamment auprès de la jeunesse burkinabè.

Dans la plupart des pays d’Afrique, la radio est sans conteste la source d’information la plus populaire et la plus accessible. Cette source d’information « à la base » revêt une dimension à la fois sociale et pédagogique que l’on peine à imaginer en Occident. Sur notre continent, la radio rassemble, la radio informe, la radio éduque, la radio mobilise et la radio forme.

Au Burkina Faso, les stations de proximité émettant dans les langues locales sont devenues de véritables écoles pour une population dont le taux d’analphabétisme atteint environ 80 %. Des sujets de tout genre y sont abordés par des animateurs capables de s’exprimer dans les langues les plus proches des auditeurs : éducation, santé, citoyenneté, politique, situation sécuritaire, actualité locale, etc.

L’information d’un large public dans les langues locales a permis de combler un vide et de mettre tous les citoyens au même niveau d’information. Les assoiffés de « news » passent une bonne partie de la journée l’oreille accrochée à leur radio. De fait, depuis une vingtaine d’années, les populations des périphéries des villes et des zones rurales sont plus au fait de l’actualité. À telle enseigne qu’aujourd’hui, on peut même dire que la grand-mère du ministre lui fait un point sur l’actualité nationale et mondiale quand il appelle au village !

Le duo des animateurs de l’émission « Jeunes Wakat » en studio. Au Burkina Faso, la radio est un moyen d’information, mais aussi d’éducation et de formation.

La radio, outil de libération de la parole

Parmi les outils qui contribuent à cet objectif d’éducation, les émissions dites interactives (un format particulier de production) ont pris une place importante dans les grilles des programmes des médias locaux. Elles permettent la libre expression des populations sur des sujets de société, de développement et de gouvernance.

Les émissions interactives bien réalisées sont à la fois une source d’information fiable pour les populations, un outil de décrispation sociale par la libération de la parole, un instrument de formation des consciences citoyennes et un lieu de participation de tous sans inégalité.

Le développement des émissions interactives sur la plupart des antennes locales répond à un changement progressif de l’offre globale de programmes radio depuis vingt ans. Il correspond aussi à la généralisation des objets numériques nomades (smartphones) et au succès des réseaux sociaux de plus en plus utilisés dans le Sahel pour la promotion des stations. Ce mouvement accompagne une demande croissante de participation de la part des auditeurs, notamment des jeunes. La grande variété des supports d’interactivités (téléphone, SMS, Facebook, WhatsApp, etc.) place les émissions participatives au cœur de l’actualité des jeunes.

Le cas de Jeunes Wakat au Burkina Faso

Conçu dans le cadre du projet Média Sahel mis en œuvre par l’agence française de développement médias CFI, grâce à un cofinancement de l’AFD pour deux ans, le programme Jeunes Wakat est diffusé sur les antennes de 24 radios dans six zones sensibles du Burkina Faso : le Sahel, l’Est, le Nord, le Centre-Nord et les localités de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso. Ces six régions ciblées sont les principales zones touchées par l’insécurité et la marginalisation des jeunes. Depuis, le succès de l’émission a amené des antennes d’autres régions à demander sa reprise et sa zone de diffusion a ainsi été élargie à d’autres zones du pays.

L’équipe de « Journaliste Facebook », une mini troupe de théâtre. Le programme « Jeunes Wakat » permet aux jeunes d’exprimer leurs préoccupations de manière active et constructive,  tout en participant au développement et à la paix sociale au Burkina Faso.

Jeunes Wakat vise à redonner confiance et une voix à des jeunes qui ont, pour beaucoup, le sentiment d’être les grands oubliés de la République, au point que certains cèdent aux sirènes des forces terroristes ou à l’appel de la mer Méditerranée. L’objectif du programme est clairement affiché : à travers une expression libre et responsable, il s’agit de promouvoir la recherche de solutions endogènes grâce aux contributions de jeunes citoyens désireux de prendre en main leur destin. Avec ou sans l’aide des autorités centrale ou locale.

Réalisée par la rédaction de l’Union nationale de l’audiovisuel libre du Faso (UNALFA), l’émission comporte deux volets : une production centralisée de type magazine pour une diffusion en synergie par les 24 radios partenaires, puis un second volet, interactif et décentralisé, pour prolonger le débat en langues locales. L’occasion d’aborder les préoccupations spécifiques des populations des différents bassins d’écoute.

Un véritable succès radio

Entre sketch, micro-trottoir, portrait, conseil de coach en développement personnel, contes et littérature, le magazine de 26 minutes diffusé en première partie est un concentré d’informations et de sujets de motivation visant à répondre aux préoccupations et aux attentes des jeunes.

Chaque dimanche à 17 heures, les jeunes du Burkina Faso se donnent rendez-vous sur les antennes des différentes radios relayant le programme Jeunes Wakat pour suivre l’émission. Ils l’ont adoptée. Les rubriques « Portrait du jeune modèle » et « La question au coach » mettent particulièrement en lumière leurs centres d’intérêt. Les thèmes privilégiés sont l’entreprenariat des jeunes, la place de la jeunesse dans la société et le civisme. Toutes ces préoccupations transparaissent abondamment dans le micro-trottoir qui leur donne la parole à chaque édition.

 

Dans la partie interactive, l’émission réussit à transformer des animateurs sensibilisés à ces enjeux en ambassadeurs au service de l’inclusion et de la résilience des jeunes dans leur localité de diffusion. La déclinaison et les interactions sur les réseaux sociaux permettent d’élargir et de prolonger le débat, tout en touchant de nouveaux publics.

Le rôle de la radio dans l’émancipation des citoyens en Afrique est incontestable et les émissions interactives en sont aujourd’hui la pierre angulaire. La radio favorise l’expression directe des citoyens, notamment des jeunes, pour une contribution active et responsable au développement et à la paix sociale au Burkina Faso.

Dans la même catégorie