Dans Les Matins de France Culture du 13 février 2020, Guillaume Ermer recevait l’historien François Jarrige, et l’économiste Anna Créti, pour une émission consacrée à la « transition énergétique ». Ils déconstruisent le concept de « transition » et discutent les implications de modes de production de l’énergie plus ou moins centralisés.
Faits
L’organisation de la production d’énergie
François Jarrige commence par affirmer que les choix énergétiques ne sont pas que des choix techniques, mais des choix de société. Produire l’électricité par les éoliennes du village, ou par un réseau national de centrales nucléaires a des conséquences dans toute l’organisation sociale.
Il suggère qu’il est plus juste de parler d’addition énergétique plutôt que de transition, car les modes de production de l’énergie, anciens ou nouveaux, sont toujours utilisés en parallèle. Il prend l’exemple du chemin de fer, qui a développé la traction animale : le nombre de chevaux s’est démultiplié dans les villes, notamment pour véhiculer les voyageurs entre la gare et leur domicile.
A 18:45, Anna Créti explique les difficultés du système de production d’énergie français à intégrer les énergies renouvelables. La France a un système de production d’énergie commandé par une poignée d’institutions. Or, les renouvelables sont par nature décentralisés.
La concentration, par exemple, de la production d’électricité sur une seule source, implique que le secteur est organisé d’une manière qu’il est difficile de changer pour qu’il bénéficie aux renouvelables.
A 26:13, François Jarrige et Anna Créti discutent l’engagement de l’Etat dans la production d’énergie. Ils conviennent du fait que l’Etat doit penser les infrastructures de l’énergie. Or, l’Etat est habitué à penser le secteur de l’énergie de façon centralisée, qui est un frein au développement des énergies renouvelables.
A 36:01, l’entretien se conclut sur les manières d’intégrer les énergies renouvelables dans la production d’énergie. Les deux intervenants conviennent que l’on ne peut pas faire de l’éolien comme on fait du nucléaire, car cela implique d’intégrer des structures décentralisées. La question se pose de la manière d’organiser un réseau de production d’énergie basé sur les renouvelables : faut-il un paradigme commun ? Faut-il une spécialisation régionale ? Faut-il une spécialisation européenne ? Quoi qu’il en soit, François Jarrige conclut que si l’on prend le chemin d’une décroissance énergétique, c’est-à-dire d’une diminution de la quantité d’énergie produite, celle-ci ne peut s’accompagner d’un accroissement des inégalités sans provoquer de fortes tensions sociales.