Prospective

Quand la biodiversité sauve le climat

En 2020, climat et biodiversité feront chacun l’objet d’une conférence des parties (COP). Ces deux sujets souvent traités en silos sont indissociables : la biodiversité a un rôle de premier plan à jouer pour atténuer le changement climatique.

Plantations forestières au Mexique, qui contribueront à la réduction des émissions de gaz à effet de serre par séquestration du carbone. Photo © Alfredo Durante pour Proparco.

Les écosystèmes peuvent assurer à eux seuls un tiers de l’atténuation climatique attendue d’ici 2030 : c’est le résultat d’une récente étude menée par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) avec l’université d’Oxford. Comment ? Grâce aux « solutions fondées sur la nature », qui s’appuient sur les fonctions naturelles des écosystèmes et sur la biodiversité. Une preuve de plus que climat et biodiversité font bon ménage.

Pourtant, si plusieurs événements sur la biodiversité ont eu lieu lors de la COP25 à Madrid, en décembre 2019, « le sujet reste encore en coulisse », affirme Alexandra Deprez, chercheuse à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).

La biodiversité, un vivier de solutions

L’efficacité des écosystèmes dans l’atténuation du changement climatique n’est pourtant pas une découverte. Les océans, les forêts et les sols sont des puits de carbone naturels reconnus depuis des années. Comme le rappelle Dorothée Herr, directrice du programme marin et polaire à l’UICN : « 30 millions de tonnes de CO2 sont absorbées sur les premières centaines de mètres de surface des mers et océans, soit entre un quart et un tiers de ce qui est émis par les activités humaines. »

En outre, les écosystèmes côtiers comme les mangroves participent de la résilience climatique des populations lors d’événements extrêmes. « Restaurer les écosystèmes que nous avons dégradés est bénéfique pour les populations locales, la biodiversité, la sécurité alimentaire et l’adaptation face au dérèglement du climat », explique-t-elle. La nature n’apporte pas seulement des solutions pour le climat, elle rend des services écosystémiques vitaux à l’humanité : c’est la condition sine qua non de notre survie et de notre développement.

Des effets bénéfiques pour le climat, mais réversibles

L’érosion rapide de la biodiversité due aux activités humaines affecte ses capacités à apporter des solutions pour le climat. Le réchauffement, l’acidification ou la désoxygénation des océans minimisent ainsi leur potentiel de captation de carbone. « Les écosystèmes ne peuvent pas continuer à absorber beaucoup de CO2 si on va vers des conditions beaucoup plus sèches », explique la géophysicienne Sonia Seneviratne.

L’effondrement des écosystèmes rend même leurs effets d’atténuation réversibles, accélérant le changement climatique : près de 20 % des émissions de gaz à effet de serre sont directement imputables à la déforestation car un arbre coupé ne produit plus d’oxygène et rejette le carbone qu’il stockait. À l’inverse, quand ils sont véritablement protégés, les écosystèmes dégradés se reconstituent rapidement : le récif corallien du Belize a ainsi été retiré de la liste du patrimoine en danger par l’Unesco le 26 juin 2018, suite à de vraies mesures de protection, notamment un moratoire sur l’exploitation pétrolière, prises par le gouvernement.

Les solutions fondées sur la nature : un levier efficace encore trop peu actionné

Plusieurs pays signataires de l’Accord de Paris comme l’Inde, l’Argentine ou le Nigeria mettent déjà en œuvre des solutions fondées sur la nature à travers des projets de restauration, de conservation ou de gestion durable des écosystèmes. Mais peu se sont fixé des objectifs précis ou ont défini des indicateurs de mesure d’impacts. Pour Sébastien Moncorps, directeur du comité français de l’UICN, les États doivent « intégrer les solutions fondées sur la nature avec des objectifs quantifiés : surfaces préservées, restaurées et CO2 stocké ».

Selon l’UICN, seules 20 % des contributions nationales portant sur les forêts affichent des objectifs. Parmi les États disposant d’écosystèmes côtiers, moins d’un sur cinq les intègre à ses mesures d’atténuation du changement climatique et de nombreuses aires marines protégées déclarées ne bénéficient en réalité d’aucune protection effective. C’est pourquoi l’UICN plaide pour 30 % d’aires protégées sur terre et en mer d’ici 2030. Actuellement, seules 15 % de surface terrestre et 8 % de surface marine sont protégées, avec des exigences de surveillance et des politiques de gestion divergentes.

Faire de la conservation de la biodiversité un moteur du développement

Pour le Fonds français pour l’environnement mondial, intégrer les populations locales dans la mise en œuvre de solutions fondées sur la nature et dans les actions de conservation est un moyen efficace d’allier préservation et développement. Cette démarche, aux antipodes des pratiques de conservation policières, est un premier pas vers un changement de paradigme que John Goedschalk, directeur exécutif de Conservation International au Suriname, appelle de ses vœux : « Nous devons sortir du paradigme actuel qui consiste à détruire des ressources en faveur du développement économique. 30 hectares d’une forêt saine et intacte valent bien plus que quelques kilos d’or. »

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