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Trois initiatives prometteuses pour sauver les océans

 

Pollution plastique, réchauffement climatique… la liste des menaces qui pèsent sur les océans est longue, mais des initiatives innovantes voient le jour partout dans le monde pour tenter de les protéger. Parmi elles, des barrières géantes de bulles d’air, des délices culinaires faites à partir d’animaux marins destructeurs de forêts d’algues et des obligations bleues pour financer la restauration et la protection des écosystèmes marins.

Destruction des habitats et déclin accéléré de la biodiversité marine, surpêche et effondrement des stocks de poissons, pollution plastique galopante ou encore acidification et réchauffement des eaux dus à la crise climatique… La liste des menaces qui pèsent sur les océans s’accroît chaque jour et entraîne avec elle des dangers considérables pour la survie des êtres humains. Recouvrant près des trois quarts de la surface de la planète, les mers et les océans représentent 97% de l’eau sur Terre, régulent le climat en absorbant près d’un quart du CO2 produit par les activités humaines et abritent au moins 200 000 espèces recensées. Selon l’ONU, pas moins de trois milliards de personnes — plus d’un tiers de la population mondiale — dépendent des écosystèmes marins pour assurer leurs moyens de subsistance et leur sécurité alimentaire.

 

Pourtant, malgré les efforts menés depuis des décennies pour protéger cette portion géante de la biosphère terrestre, le déclin sous-marin ne semble pas près de s’arrêter. Selon une étude publiée en janvier dernier dans la revue scientifique Advances in Atmospheric Sciences, la température des océans en 2019 a été la plus haute jamais enregistrée. Les gaz à effet de serre qui réchauffent autant les terres que les océans intensifient la montée des eaux et leur acidification, et font fuir les poissons des zones équatoriales les plus chaudes, faisant courir un risque alimentaire accru aux populations qui en dépendent.

 

Parallèlement, sur les 300 millions de tonnes de plastique produits par an à l’échelle planétaire, cinq billions de morceaux de plastique polluent déjà les océans, selon le Forum économique mondial (World Economic Forum, WEF). Ces déchets plastiques, toxiques, font désormais partie de la chaîne alimentaire océanique, avec des effets néfastes sur la faune et la flore marine. Et l’impact économique de tous ces dégâts n’est pas des moindres. Selon le rapport de l’ONG WWF publié en 2015, le Produit Marin Brut annuel — calculé de la même manière que le PIB national — placerait les océans au septième rang des économies mondiales, avec une production annuelle estimée à 2 500 milliards de dollars.

 

C’est dans ce contexte que de nombreuses initiatives désireuses de répondre chacune à une partie du problème apparaissent partout dans le monde. Le WEF lui-même a organisé en juin dernier une conférence en ligne — confinement global oblige —, Virtual Ocean Dialogues, afin d’identifier et de promouvoir des solutions capables d’améliorer les conditions dans ces écosystèmes.

 

L’une d’entre elles, conçue aux Pays-Bas et installée à Amsterdam depuis novembre 2019, s’appelle The Great Bubble Barrier. Il s’agit, comme son nom l’indique, d’une barrière à bulles dans l’eau, plaçable dans les rivières, qui empêche les déchets et les débris plastiques d’atteindre les océans. Elle se forme grâce à un tube troué situé au fond de la voie d’eau qui pompe de l’air de manière verticale, créant un écran de bulles impénétrable pour le plastique et poussant les déchets de plus d’un millimètre vers la surface —  le tout sans perturber ni le passage des poissons ni celui des bateaux. En le plaçant en diagonale dans la voie d’eau, le barrage à bulles utilise le courant naturel pour guider le plastique vers un système de captage au bord de la rivière. De plus, grâce à l’air généré, les niveaux d’oxygène dans l’eau augmentent, stimulant l’écosystème et empêchant la prolifération d’algues bleues toxiques.

 

Une autre piste intéressante, portée par l’entreprise néerlandaise Urchinomics, tente de répondre à la prolifération galopante d’oursins, ou d’hérissons de mer. Ces petits animaux marins à l’appétit vorace se nourrissent des algues varech et se reproduisent à une vitesse alarmante, détruisant à leur passage des forêts de varech —des puits de carbone naturels cruciaux dans la lutte contre le réchauffement climatique —  et leurs écosystèmes, partout dans le monde. Pour Urchinomics, la solution vient du monde culinaire : il suffit de manger les oursins. Elle les récolte dans les fonds marins en Europe, en Amérique et en Asie, et les nourrit avec des algues récoltées de manière durable, afin de proposer un produit au goût singulier aux restaurants haut de gamme. Les œufs d’oursins ont une saveur riche et salée, et sont considérés comme un mets délicat, souvent servi en sushi. Une fois débarrassée des petits hérissons, une forêt de varech est capable de se régénérer en à peine trois mois, selon l’entreprise.

 

Enfin, l’enjeu est également économique. Selon les experts du WEF, la finance bleue possède un énorme potentiel pour aider à surmonter les défis environnementaux et sociaux liés à la préservation des océans. Plus précisément, les obligations bleuesreprésentent un levier de financement à suivre de près car, comme pour les obligations vertes, les fonds collectés sont exclusivement destinés à des projets jugés respectueux des océans. L’année dernière, la République des Seychelles a lancé la première obligation bleue au monde, levant un total de 15 millions de dollars pour faire progresser l’économie bleue du petit État insulaire. En janvier dernier, la Banque nordique d’investissement, l’institution financière internationale des pays nordiques et baltes, a suivi l’exemple, levant 2 milliards de couronnes suédoises pour des projets tels que le traitement des eaux usées, la prévention de la pollution de l’eau et l’adaptation au changement climatique lié à l’eau. En avril dernier, c’est Morgan Stanley qui, en collaboration avec la Banque mondiale, a récolté 10 millions de dollars via la vente d’obligations bleues pour les dédier à la lutte contre la pollution plastique.

 

Autant d’initiatives prometteuses qui, selon les experts, ne constituent qu’une goutte d’eau dans l’océan face à la complexité des défis à relever. Ensemble, elles devront s’articuler entre elles et avec d’autres, afin d’apporter des réponses systémiques à cet enjeux, lui aussi, global.

 

 

Cet article a été écrit dans le cadre d’une série produite pour open_resource par Sparknews, une entreprise sociale française qui vise à faire émerger des nouveaux récits pour accélérer une transition écologique et sociale à la hauteur des enjeux de notre époque.

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